Juste avant d’avoir l’idée de reprendre un travail de thèse de Doctorat, j’habitais à Paris et j’étais cadre en entreprise. Je venais de divorcer et je faisais face à l’obligation de pourvoir en grande partie aux besoins matériels de mes enfants. De leur assurer une bonne éducation et un bel avenir. J’envisageais l’option de repartir dans mon pays d’origine, l’Italie, pour être davantage entourée par ma famille, et offrir de meilleures écoles à mes enfants que celles que je pouvais me permettre en région parisienne. Mes recherches d’un travail là-bas n’avaient pas encore abouties, une nouvelle année scolaire avait commencé, j’allais donc les poursuivre pour les deux années suivantes, jusqu’à ce que mon aînée finisse l’école primaire. Je venais aussi de rencontrer quelqu’un, et cela se passait très bien. Il m’a proposé de partir vivre loin de Paris, en Haute-Savoie, avec mes deux enfants.
La première chose que je me suis dit c’est que j’allais pouvoir inscrire mes enfants dans de bonnes écoles, plus facilement qu’à Paris ; la deuxième, que ça allait être difficile de retrouver un travail aussi bien rémunéré que le mien actuel, tout en assurant ma présence auprès d’eux. En effet, ce quelqu’un que j’avais rencontré, non seulement il n’était pas le père de mes enfants, il était aussi pilote de ligne et n’avait aucune régularité de planning. Des déplacements professionnels ou de longues journées de travail était inenvisageables pour moi, ou alors il aurait fallu me priver d’une partie de ma rémunération pour payer une nounou presque à plein temps. Cette dernière option était réaliste, à voir comme un véritable investissement pour mon avenir professionnel, mais je ne me sentais pas de la choisir car je me voyais mal priver les enfants non seulement d’une présence régulière de leur père, mais aussi de leur mère, alors qu’ils s’installaient dans une région où ils ne connaissaient absolument personne.
La tension était palpable, tiraillée comme j’étais entre ma sphère affective – amoureuse d’une part, familiale d’autre part -, professionnelle – mon avenir et celui de mes enfants, et même géographique – cette envie qui resurgissait régulièrement de rentrer en Italie. Le tiraillement entre sphère affective et professionnelle n’était pas nouveau dans ma trajectoire de vie, il était déjà apparu lors de mon itinérance au Mexique. En gros, encore une fois, il m’apparaissait évident que si je voulais assurer ma stabilité affective je devais abandonner mes ambitions professionnelles. Cette fois-ci il s’ajoutait également une opposition entre ma réalisation professionnelle à Paris et celle, future, de mes enfants. Et entre le retour aux racines dont je ressentais tant le besoin et ma vie amoureuse.
Il peut être tentant, arrivés à ce moment de l’histoire, de suggérer à la protagoniste de prendre tout de suite une décision : après tout, elle a déjà tous les éléments à sa disposition. Soit elle est quelqu’un de passionnée, pour qui la sphère affective prime sur tout le reste, et elle part sans arrières pensées en Haute-Savoie avec son nouvel amoureux, tout en inscrivant ses enfants dans les établissements publics du secteur, qui feront sûrement l’affaire. Et après tout, elle pourra se reposer quelques années sur le salaire dudit amoureux, et se tenir active en faisant du bénévolat. Soit elle est plutôt prudente et attachée à la réussite socioprofessionnelle, dans quel cas elle restera à Paris, essayant d’avoir une promotion pour pouvoir changer de quartier ou payer une bonne école privée aux enfants, et ira voir son amoureux le week-end, tant pis si l’histoire ne résistera pas à la distance, c’est que cela ne devait pas se faire. En gros, un choix est déjà possible à ce stade sur la base des valeurs de la personne. Il suffit de soupeser ces valeurs, et prendre la décision qui correspond au plat de la balance qui descend le plus bas. Et on verra bien.
Les valeurs sont assurément un élément d’orientation très important dans nos vies, mais pas le seul possible. Les valeurs façonnent notre identité et, dans les moments de doute et confusion, elles nous rassurent sur la permanence de celle-ci. Seulement, voilà, dans mon cas comme dans d’autres à un moment similaire de leur histoire, prendre une décision sur la seule base des valeurs pouvait générer un arrière-goût d’inachevé et faire avancer à reculons. Il aurait fallu faire un compromis, voire un sacrifice. Une partie de moi-même aurait été laissée sur le bord du chemin, et j’aurais perdu de l’énergie. Loin de faire référence à la philosophie de la toute-puissance, qui me semble relever d’une approche enfantine de la vie, la frustration dont je parle est relative à ce qu’il aurait été possible de réaliser de nouveau à partir de la situation de tension, et qui m’aurait véritablement portée, qui m’aurait fait avancer à grands pas assurés. Cette frustration est relative à la manière dont il aurait été possible, pas tellement de rester fidèle à moi-même, mais d’évoluer dans la continuité de ce que j'étais. De mieux me réaliser. De respecter le potentiel humain dont je suis, comme chacun de nous, la gardienne, et lui permettre d’éclore un peu plus. D’assister aux merveilles qu’il pourrait réaliser pour mieux contribuer à l’avancée de ma vie et peut-être même de celles d’autres personnes. Sortir de ma bulle, me remettre en jeu, et apporter ma contribution.
Dans cette première étape d’expérimentation de la tension, nous avons la possibilité d’explorer le besoin sous-jacent à notre but, en plus de nos motivations. Le besoin n’est ni le but, ni la motivation. Le but est une des réponses possibles au besoin, motivée par des valeurs. Identifier ce besoin nous permet de prendre du recul et d'imaginer des manières de faire converger des options qui peuvent sembler, à une première vue, incompatibles. Il est aussi le point de départ de la génération de plusieurs nouvelles options pour avancer de manière originale et pertinente dans notre chemin de vie.
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